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Des robots pour remplacer les phytos

Pour limiter ou éviter le recours aux traitements, la mécanisation constitue une solution. Différents systèmes automatisés viennent compenser le manque de main-d’œuvre.

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L’utilisation de robots en agriculture cons­titue une alternative aux produits phytosanitaires pour le désherbage, la lutte contre les maladies et ravageurs, la stimulation méca­nique… Souvent pensés au départ pour la vigne­ ou le maraîchage, les concepts peuvent être transposés à l’horticulture et à la pépinière.

Robots de désherbage

Les pépinières Chatelain, au Thillay (95), font des céréales (200 ha), de la pépinière (100 ha) et depuis trois ans du maraîchage (6 ha). Dans ce domaine, elles testent depuis quelques années plusieurs robots. L’entreprise participe notamment à un projet financé par l’Union européenne, nommé Romi (Robotics for microfarms), avec Sony et différents instituts de recherche.

Ce robot enjambeur­ désherbeur est équipé d’une caméra qui lui permet de voir les cultures en dessous de lui, puis sarcle autour de la plante cultivée pour la débarrasser des adventices. Le projet doit se terminer fin 2021. « Il y a des tests en laboratoire et nous réalisons des essais en production, donc dans des conditions réelles : les allées ne sont pas droites, il y a de l’eau… Nous réfléchissons à des modifications pratico-pratiques », explique Laurent Chatelain. Comme c’est un projet pour des petites fermes en maraîchage, ils essaient donc de développer un robot pour un prix maximal de 15 000 euros, avec un objectif optimal de 7 500 euros. « Étant donné que le robot est petit, il pourrait également être utilisé en pépinière », ajoute le producteur. Des tests sont prévus pour les cerisiers.

La pépinière a également testé pendant quelque temps le robot Oz de Naïo Technologies (lire p.30), principalement utilisé en maraîchage. Quelques horticulteurs ont fait l’acquisition de ce robot de désherbage autonome. « Avec l’ajout de la correction GPS RTK [technique de po­sitionnement par satellite, NDLR], c’est intéressant, mais cette amélioration fait grimper les prix », regrette Laurent Chatelain.

Il existe de nombreux autres robots de désherbage, aux technologies différentes. Par électrocution, par exemple. La machine X-Power, de la société Suisse Zasso, grille les adventices via deux électrodes : une sur la partie aérienne de la plante, l’autre dans le sol. Le système est pla­cé à l’avant d’un tracteur. Autre­ technique, celle de l’eau sous pression. Grass Killer, de l’entre­prise allemande Dröp­pelmann, positionnée à l’arrière du tracteur, élimine les mau­vaises herbes avec de l’eau à température ambiante, à 1 000 bars. Si ces deux machines peuvent être utilisées en pépinière, elles semblent trop volumineuses pour une application en production horticole.

Plus dans la lignée de Romi et Naïo : Weed Whacker, de la start-up néerlandaise Odd.bot. Le robot est composé d’une plateforme soutenue par trois pieds équipés de roues. En son centre, un mécanisme pour le désherbage. Des capteurs et des caméras lui indiquent quand extraire les adventices au fur et à mesure de son déplacement entre les cultures.

Il existe aussi des robots qui pulvé­risent un désherbant, mais de façon très ciblée, ce qui réduit l’utilisation de produits phytosanitaires.

Lutter contre les maladies et les ravageurs

Les robots permettent aussi de lutter contre les insectes indésirables. Le programme Pautorose, débuté il y a trois ans par le Scradh (Astredhor Méditerranée) et qui se termine cette­ année, est un automate de lutte­ contre le thrips du rosier. « Il brasse la végétation, souffle, frotte et aspire ce qui a été délogé », ex­plique Laurent Ronco, le directeur de la station d’expérimentation de Hyères (83). Le robot se déplace automatiquement sur un rail à certains moments de la journée. Après une phase de mise au point du prototype, il tourne en continu depuis deux mois dans les serres. Grâce à son passage régulier, il va maintenir une végétation plus compacte.

« Pour l’instant, on est à un prix prototype, mais il ne sera pas très cher. L’objectif est de ne pas dépasser les 4 000 euros. Mais il nécessite un investissement dans le rail de la serre » prévient Laurent Ronco. Même s’il n’est pas certain que ce système va fonctionner, on ne peut pas passer à côté d’une solution potentielle. La station va donc chercher à savoir dans les prochains mois si cet investissement peut être rentable pour les producteurs de rosiers. L’automate étant conçu pour cette production, reste à savoir s’il pourrait être transposé à d’autres cultures.

Plus futuriste, l’entreprise néerlandaise PATS Indoor Drone Solutions travaille sur un prototype de mini-drone volant qui éliminerait mécaniquement les insectes, détectés par caméra, dans une serre. Ceux-ci seraient tués dans la collision avec les hélices du drone. Le système est testé sur gerbera et chrysanthème.

Il existe également des systèmes de surveillance des insectes ravageurs, comme e-GLEEK, développé par l’entreprise française Advansee. Il s’agit d’un piège chromatique qui analyse le nombre d’insectes piégés et émet des alertes lorsqu’un vol est détecté ou lorsque la feuille gluante est saturée. Utilisable sous serre ou en plein champ, il possède une autonomie de douze mois.

Autre système de détection des ravageurs : Gerbera Scout. L’université de Wageningen (Pays-Bas) travaille sur la détection d’une présence d’oïdium et d’aleurodes au moyen de caméras. Cette plateforme mobile est également développée pour détecter la présence de fleurs et donc prédire la récolte.

Stimulation mécanique

En 2012, la station d’expérimentation Astredhor Sud-Ouest, à Ville­nave-d’Ornon (33), a débuté le projet Capser. L’idée : faire porter du matériel de stimulation mécanique pour la thigmomorphogénèse par le chariot d’arrosage. « C’est une installation d’un coût important, qui peut être rentabilisée pour répondre à d’autres tâches. Les outils embarqués peuvent être multiples : du matériel de stimulation ou des bandes engluées de piégeage des insectes, par exemple, suggère Émilie Maugin, ingénieure expérimentation à la station. Dans l’ensemble, les résultats sont bons, pour une large gamme de végétaux de serre comme de pépinière. On constate une réduction de la hauteur des plantes de 10 à 25 % et une augmentation de la ramification. Le résultat dépend du matériel de stimulation utilisé, le plus souvent une à plusieurs épaisseurs de bâche plastique 200 µm et de la fréquence de passage (de trois à dix allers-retours par jour). »

Le système est aussi adapté au piégeage­ d’insectes, avec l’ajout de bandes­ engluées. En partenariat avec Pyrène Automation, qui a aidé la station à automatiser le système, quatre produits sont proposés :

- Adapt piégeage (80 euros par chariot) et Adapt thigmo + piégeage (250 euros par chariot) pour les modules qui s’adaptent sur des chariots existants ;

- Casper Light : un appareil mobile neuf dédié uniquement au piégeage et à la thigmomorphogénèse (environ 3 000 euros) ;

- Casper Multifonction : un appareil mobile neuf, polyvalent, incluant le piégeage et la thigmomorpho­génèse, avec l’arrosage (environ 12 000 euros).

Les premiers chariots ont été commercialisés en 2019 par Pyrène Automation. « Les producteurs qui les ont installés sont soit des cultivateurs de chrysanthèmes en serre, soit de petits producteurs qui ne veulent plus traiter », constate Émilie Maugin.

Avant d’arriver sur le marché, puis dans les lieux de production, tous ces systèmes automatisés et ces machines sont testés dans des sites pilotes et présentés lors de journées portes ouvertes dans les stations d’expé­rimentation ou à l’occasion de Salons et de forums. Les retours des professionnels et des futurs utilisateurs ont la capacité de faire évoluer ces prototypes, afin qu’ils soient le plus per­tinents possible.

© L. HESPEL - Le robot de désherbage Romi élimine les adventices par sarclage au fur et à mesure qu’il avance. L. HESPEL

© SCRADH - L’automate Pautorose aspire les insectes délogés à chaque passage. SCRADH

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